Entretien avec G. De Valesant

Le roi avait décidé que la forme de l’entretien de M. de Valesant serait assez inhabituelle, puisqu’ils marcheraient. Il avait donc ordonné à ses gens de faire patienter l’ecclésiastique dans l’augustarnor, histoire que le personnage puisse se familiariser avec l’apparat royal. Le roi nourrissait beaucoup d’espoirs pour ce jeune prêtre.

— Bonjour M. de Valesant, je vous souhaite la bienvenue au palais sacré de Rouvray. Je constate, que comme beaucoup d’autres avant vous, vous semblez émerveillé par la beauté du lieu. Il est vrai qu’y vivant tous les jours, j’oublie parfois l’environnement splendide que constitue ce palais. Le roi fit un sourire qui se voulait bienveillant. Mais je vous en prie, marchons un peu si vous le voulez bien, j’ai grand besoin de me dégourdir les jambes. Parlez-moi de vos intentions, on m’a dit que vous souhaitiez devenir archevêque de Guéméné ?

Le roi regarda le provincial : ses services avaient dressé le portrait de M. de Valesant. Il semblait être homme tout à fait intègre et honnête, en clair : il ferait un bon archevêque pour Guéméné. Il y avait certes d’autres candidats, mais le roi préférait nommer un personnage plus modéré. En effet, le concurrent direct de M. de Valesant n’était autre que le très controversé Edme de Pras de Labarbie-Castelampuria, un aristocrate issu d’une prestigieuse famille connu pour ses penchants réactionnaires, grand amoureux de la monarchie absolue d’antan.

Le roi ne pouvait pas vraiment se permettre d’envoyer un tel énergumène à Guéméné sans risquer que l’acte soit interprété. M. de Valesant avait l’avantage d’être relativement « neutre », son ministère serait bénéfique pour la ville de Guéméné.

— Je suis persuadé, monsieur, que vous ferez un excellent archevêque de Guéméné. J’appuierai donc votre candidature auprès de Son Éminence le catholice : soyez certain que votre demande ne mettra pas longtemps à être satisfaite.

Avez-vous d’autres projets M. de Valesant ? devenir archevêque-comte de Guéméné n’est certes pas une mince à faire, mais vous devez bien avoir d’autres passions en dehors de celle de Dieu, très prenante, il faut l’avouer.

Le roi afficha un sourire, l’atmosphère se voulait franchement légère : le temps était sec, mais le soleil brillait et les jardins du palais sacré étaient très agréables, il semblât à M. de Valesant que le roi voulait s’évader un peu, choisir un provincial méconnu à la Cour évitait ainsi que des rumeurs curieuses arrivent auprès des courtisans (la dernière fois que le roi s’était promené dans les jardins avec le chancelier, on avait dit qu’il était tombé malade et qu’il était encore en convalescence : pure invention !).

— Je reste encore, monsieur, le meilleur appui que vous puissiez avoir en ce pays. Je m’intéresse également beaucoup à la littérature, bien que parfois il m’arrive de devoir censurer quelque journal impertinent… La liberté de la presse est une nouveauté qu’il faut inclure dans le champ politique, et je peine à m’habituer à certains écrits anticléricaux.

Grâce à Dieu, je n’ai encore jamais dû censurer un journal qui porterait atteinte à la dignité du trône, ce qui m’étonne d’ailleurs. Je me plais d’ailleurs à accepter toutes les critiques, au sens philosophique du terme : il semble que ce soit un passage obligé pour ausculter la royauté et en démontrer les effets bénéfiques pour la nation.

Il me faut vous laisser à présent M. de Valesant, je dois vaquer à mon devoir. Je ferai le nécessaire pour que vous soyez nommé archevêque de Guéméné : Son Éminence le catholice ne peut me refuser cette demande !

Le roi salua M. de Valesant et le laissa dans les agréables jardins du palais sacré.