Entrevue tardive

Le roi était dans son bureau, l’heure était tardive, mais il avait été réveillé, un agent du secret venait d’arriver à Rouvray. Il semblait qu’il avait des informations utiles pour le service du roi. Un valet entra dans la pièce, il semblait fatigué, mais malgré tout surexcité.

— Sire, l’homme est ici, dois-je le faire entrer ?

— Allons ! bien entendu que vous devez le faire entrer ! je ne vais pas le faire patienter à cette heure, dois-je vous rappeler que j’aimerais dormir ?! Je suis le roi, certes, mais l’heure est avancée tout de même, alors réglons au plus vite cette affaire, quelle que puisse être sa nature !

Le valet, qui semblait avoir pris conscience de la stupidité de sa question, s’exécuta très rapidement, l’homme arriva. Au même instant, le comte de Breuil, chef du secret du roi entra.

— Bonsoir M. le comte, alors, que se passe-t-il ?! Le roi inclina légèrement la tête pour saluer l’agent, mais laissa parler le comte en premier.

— Sire, hélas, nous venons d’obtenir des informations du Raipur, il se pourrait bien que l’intégrité territoriale de l’Aldarnor soit menacée… Je laisse le chevalier d’Escar vous informer.

L’homme, entièrement de noir vêtu, s’avança, sortant de la pénombre de la pièce, il prit la parole :

— Sire, les Laurasiens sont intervenus en Méniro, ils ont envahi la quasi-totalité du pays. Un front de résistance s’est constitué. Les Laurasiens disent qu’ils n’ont pas un seul mort dans leurs rangs, les résistants affirment avoir massacré la moitié du corps expéditionnaire laurasien. Chacun ment de son côté et se voile la face, toujours est-il que les Laurasiens avancent. Nos agents nous mentionnent plusieurs exactions commis de chaque côté. La marine laurasienne fait le blocus et verrouille les mers environnantes.

La communauté internationale semble partagée : mais les membres de la Triple-Alliance semblent cautionner. C’est extrêmement problématique, Majesté, car les Laurasiens se dirigent vers le Skotinos, ils semblent décidés à en faire un protectorat. Cela mettrait en péril nos intérêts dans la région assurément. Le Raipur est directement menacé. Le sénéchal-résident en Raipur se trouve confronté à plusieurs problèmes : plusieurs réfugiés Skotinecs commencent à arriver, et l’émir de Raipur les accueille volontiers ! Il estime que ce sont des frères, et qu’il se doit de les protéger de la barbarie laurasienne.

Les 5 000 hommes stationnés en Raipur depuis la chute du Skotinos surajoutent à la tension ambiante, et le sénéchal-résident a ordonné de faire poster 1 250 soldats aldarnorins aux frontières pour prévenir toute éventualité. Vu l’importance du corps expéditionnaire laurasien, les 5 000 hommes ne suffiront pas si jamais l’empereur laurasien décide de devenir le nouveau protecteur de l’émir de Raipur.

Le roi ne savait pas trop quoi répondre à cette nouvelle. L’heure tardive ne lui facilitait pas la réflexion. Les Laurasiens avaient donc envahi le Méniro et s’apprêtaient à faire de même avec le Skotinos. Il fallait réagir : le Skotinos était une ancienne dépendance de la Couronne avaroise, et Avaricum était à n’en point douter une amie de l’Aldarnor, hors de question donc de laisser les Laurasiens mettre la main sur ces riches territoires. L’indépendance du Skotinos n’avait pas posé beaucoup de problème à l’Aldarnor, surtout depuis qu’Avaricum était tombé dans une période de trouble, mais que la Laurasie fasse la conquête de la moitié du continent franzien, ça c’était un problème de taille.

Le roi était dans une situation délicate : les relations diplomatiques avec la Laurasie étaient en train de se normaliser, et tous deux allaient entrer dans la Triple-Alliance. De plus, les grands empires restaient de marbre, pire, il soutenait cette opération laurasienne. Le roi ne pouvait décemment pas cautionner cela, mais il allait falloir jouer finement pour ne pas entrer en guerre ouverte avec la Laurasie. Il faudrait bomber le torse, histoire d’impressionner, de faire peur, de dissuader…

Le roi alla à son bureau, prit une feuille et une plume, la trempa dans l’encre, et commença à écrire, tout en disant ce qu’il notait au fur et à mesure.

— Bien, tout d’abord, il faut informer Bourgondes, qui est à ce sommet de la Triple-Alliance. Je vais lui ordonner d’être ferme à ce sujet, et de montrer que l’Aldarnor n’est absolument pas favorable à cette intervention des Laurasiens, et en particulier en Skotinos. Bourgondes doit comprendre qu’on ne laissera pas une miette du Skotinos aux Laurasiens, rien.

Ensuite, je vais écrire à M. de Rigaud, il vient à l’instant de rentrer à Guéméné de Bermudys, il est crucial qu’il prenne la tête d’une flotte qui se rendra en Raipur pour protéger les intérêts aldarnorins. Les bateaux ne partiront pas à vide, je donne immédiatement l’ordre d’envoyer un corps expéditionnaire de 15 000 hommes sur place. Une fois déposée en Raipur, l’armée se postera aux frontières sous le commandement de M. de Moncey. Les navires devront quant à eux partir pour surveiller la flotte laurasienne.

Le roi tendit les billets au chevalier d’Escar :

— Envoyez ces billets à leurs destinataires, au plus vite, et notamment celui pour le ministre de la Couronne, afin qu’il soit informé de l’affaire, vite !