Visite du roi

Le roi avait décidé de rendre visite à sa femme aujourd’hui. Il avait souhaité qu’aucune affaire ne soit à débattre pour cette après-midi. D’ordinaire, le lundi était le jour des requêtes, le roi recevait donc ses sujets afin qu’ils puissent directement adresser leurs demandes au roi. Soucieux de ne pas éveiller les soupçons, il avait ordonné que ce soit le victorin qui le remplace ; ce dernier avait été très tardivement prévenu ce matin. Le jeune homme n’avait pas caché sa surprise en apprenant la nouvelle : il n’avait jamais fait cela. Il y avait une première fois à tout, le victorin était suffisamment âgé maintenant pour se voir confier certaines fonctions du roi.

Il arriva un peu avant trois heures de l’après-midi au pavillon austral, rapidement, il entra dans les appartements de la reine. Le roi avait souhaité que la surprise soit totale. Les valets ouvrirent la porte et crièrent presque :

— Le roi !

Les dames de compagnie s’arrêtèrent, et s’inclinèrent toutes. Madame Troisième, qui était à la harpe, elle aussi cessa afin de saluer son frère. Les révérences pleuvaient, la reine était complètement décontenancée. L’effet recherché par le roi avait été parfaitement obtenu : la reine ne s’attendait manifestement pas à voir son époux au beau milieu de cette belle journée de juin. Elle discutait avec ses dames de compagnie, et faisait de la broderie. Le roi alla directement devant sa femme, non sans jeter un regard noir à sa sœur aînée, la duchesse d’Hernani.

— Madame, je vous enlève, aujourd’hui vous serez mon obligée.

Il tendit sa main à la reine, l’invitant à le suivre. Le regard du roi avait changé, à présent qu’il ne regardait que sa femme, ses yeux pétillaient, à l’intérieur il piaffait d’impatience : au diable le protocole pensa-t-il ! Le roi était décidé à passer une journée agréable en compagnie de son épouse, loin du Palais-Sacré.

La reine était en effet on ne peut plus surprise. Elle voyait peu son époux ces derniers temps. Un malaise s’était installé depuis que la question du mariage de leur fils devenait sérieuse. La reine n’avait pas été consultée, personne n’avait jugé bon de le faire, ça l’avait profondément blessée ; surtout que les deux époux royaux étaient plutôt proches habituellement.

Elle réprouvait les derniers agissements de son mari, et elle savait pertinemment que le roi voulait effacer ses maladresses en venant ainsi à l’improviste. Manifestement, elle était en position de force, il faudrait donc qu’elle utilise cette position. Elle se rendit à peine compte que le roi l’emmenait dans une calèche. Il faisait beau, alors que le roi l’invitait à monter dans la voiture, elle le questionna :

- Vincent, qu’est-ce que cela signifie ? Où allons-nous donc mon ami ?

— Il fait beau ma chère, j’ai décidé que nous partions en voyage, pour une durée indéterminée, le temps qu’il nous faudra pour éclaircir l’affaire du mariage du victorin à dire vrai. J’espère aussi un peu me faire pardonner, ces derniers mois j’étais fort occupé et je n’avais que trop peu de temps à vous consacrer ma chère. J’avais plusieurs propositions à vous soumettre également.

Une fois dans la calèche, le roi dit :

— Allez ! où vous savez ! fouette cocher ! Voyant la reine perplexe quant à leur destination, le roi apporta une précision. Notre destination est une surprise ma chère. Nous garderons cette calèche jusqu’à la porte de Guéméné, ensuite nous prendrons une berline pour rejoindre notre lieu de résidence pour les quelques prochains jours. Le voyage ne sera pas trop long, ne vous inquiétez pas.